Poèmes sur des peintures du XIIIième siècle

 

 

(publiés dans: D’Allemagne et de Méditerranée. Poésie d’aujourd’hui, Autre Sud 2003; traduction Rüdiger Fischer) 

 

Antoine Watteau, Gilles
(Paris, Musée du Louvre)

Rester là, debout! Et tenir
grandeur nature

Tout le reste serait mensonge
donc du mauvais théâtre

et tellement moins
que le frou-frou de la soie
avant la pièce jamais jouèe.

Pas un coq,
un rire.

Prenez donc vos ballons,
qui frappe
d’un oeil sec.

 

 Jean-Baptiste Chardin,  Garçon avec une bulle de savon
(Washington, National Gallery of Art) 

Tant que son haleine
est
dans la tige

pour la curiosité de l’enfant
dans son dos

et l’oeil qui scrute
(tache de pluie, coupe

ou sablier:
une question de mixture
de matière et lumière) 

elle n’éclatera pas
encore

 

François Boucher, Madame de Pompadour
(Munich, Ancien Pinacothèque)

 

La Vénus de la poudreuse
s’échappa dans la robe verte,
nourrie de taffetas

avec des fleurs de toute saison
(si joliment plissée
par les bonnes soeurs de Santa Lucia)

et envoie les regards
sucer les doux
compliments, vous êtes vraiment 

trop gentil, voler
d’un ruban à l’autre

descendre avec des frôlements,
des froissements, les
postillons discrets,
vers le serment,
de l’Orangerie de porcelaine

roulé dans le giron
(arrosé deux fois:
Essence de roses) 

Déjà persuadée alorsl
la
peau, fascinée l’haleine
entre les mots, la lumière

dans la cour, la poussière, les sabots, les pas
vers la tombe

Le Roi très chrétien est, comme moi,
tantôt triste, tantôt gai

Et qu’il ne se lasse pas de regarder
ce tableau
aucune ne l’évite.

 

Jean-Etienne Liotard, Portrait en pastel               – traduit par Yla von Dach

(Genève, Musée d’Art et d’Histoire)

Morts depuis longtemps, ils sont heureux,
heureux étaient-ils, quand ils se sont vus
dans la clarté du costume bien fait,
parés de la grâce de la plus fine dentelle
de la respiration de la soie,
sa vie fugitive et pleine: Ceci allait rester.

Ils étaient heureux quand ils se sont vus
dans la craie flatteuse de la peau,
ils sont heureux et m’adressent
maintenant un sourire clément.