Versions francaises

Merci à Yla von Dach 

 

Poèmes sur quelques peintures du XIIIìeme

 

Apparition  (Traduction du poème „Erscheinung“ dans  Gegenzauber)

 

 

Est-ce que j’étais réeellement là

ou n’était-ce qu’un regard

jeté en passant, de l’ombre

vers cette allée lointaine

 

vers cette voûte de feuillages où les fontaines

se saisirent de toute la lumière

et de tous les hommes dans un clair tourbillon :

la spirale lumineuse d’une galaxie si proche

de la genèse du bonheur,

 

mais je ne pouvais pas descendre de la voiture

et, hésitant, nous étions portés plus loin –

 

ou bien étais-je tout près des fontaines

dans la chaleur et le bruit

 

ne voulant rien d’autre que retrouver ce regard

sorti de l’ombre.

 

Aix-en-Provence, Cours Mirabeau

 

Réminiscence (Traduction du poème „Reminiszenz“ dans Gegenzauber)

 

 

De la porte du jardin jusqu’à la maison :

Les dalles anciennes sur gravier nouveau

résistent.

La porte de la maison ferme de nouveau hermétiquement

avec la poignée d’acier affiné, brossé.

 

Cinquante ans de néflier nain ! s’écrie la nouvelle voisine.

A la hache-paille !

Et partout des tas de pervenche !

Qui, de nos jours, cultive encore de la pervenche !

 

Moi ! dis-je. Moi ! A cause de Rousseau,

vous connaissez peut-être ce passage,

dans les « Confessions », Sixième Livre,

 

où il se promène avec Madame de Warens,

qui, elle, lui montre les fleurs bleues :

« Voilà de la pervenche encore en fleur ! »

 

mais lui y lance à peine un regard,

pensant toujours à Madame,

de quelques années son aînée,

 

et où trente ans plus tard

avec Monsieur le Peyrou, en herborisant,

il découvre la plante dans les buissons

et s’écrie tout heureux :

« Mais, c’est de la pervenche ! »

 

tombant à genoux, pleurant,

alors que l’ami ne comprend pas son émotion

 

Moi ! m’écrie-je, moi !

pour le bel écho, juste ici,

venant de la forêt.

 

Frontier (poème inédit)

 

 

Quand Franz Schubert fut malade, pour la dernière fois

ce qu’il ne savait pas, il chercha du secours:

des romans, au mieux de Cooper

dont il avait tant lu,

mais peut-être pas tout, peut-être

en existait-il encore plus! beaucoup plus! pour lui –

 

il envoie ses amis chercher,

mais le livre reste introuvable,  

il n’est pas encore traduit,

il n’a pas encore quitté le bateau,

le bateau n’a pas encore traversé l’Atlantique,

le livre n’est pas encore en vente à New York,

il n’est pas encore imprimé,

même pas écrit.

 

Cooper reste debout devant la fenêtre, scrute

de ses yeux la campagne:

pays frontalier qu’il sent

lorsqu’il rame vers le milieu du lac,

lorsque quelqu’un appelle

et fredonne contre le monde supérieur,

le silence aux aguets, fredonne.

 

 

 

Dans la gueule du lion  (Traduction du poème “In der Höhle der Löwen” dans Gegenzauber)

 

Si tu veux y entrer avec nous,

il faut que tu t’approches de l’animal comme jamais:

que tu saches voir les lignes du corps

qui s’approche sans bruits,

le jeu de muscles sous le pelage,

les naseaux pressentant la proie,

 

et il faut que ta main soit tranquille

pour trouver dans le cou allongé l’ombre

qui bat dans la lueur de la torche,

pour donner un éclat aux yeux

et au dos abaissé un dernier,

un tendre trait de charbon.

 

Grotte Chauvet, Ardèche